Le code des relations entre le public et l’administration (CRPA) publié en 2015 inscrit dans la loi une volonté de simplification des possibilités d’exercice du droit d’information accordé aux citoyennes et citoyens français. Il traduit notamment l’ambition de contribuer “à faciliter et à renforcer le dialogue entre l’administration et les citoyens”.

Il statue notamment dans son article 330-1 que les administrations “sont tenues de désigner une personne responsable de l’accès aux documents et des questions relatives à la réutilisation des informations publiques […]”. L’article 330-3 spécifie que la désignation de cette personne responsable de l’accès aux documents administratifs (PRADA) doit être portée à la connaissance du public. Pour celles qui en disposent, cette information indiquant les coordonnées de leur PRADA (nom, profession et coordonnées professionnelles) doit figurer sur leur site Internet.

Chez Ma Dada, notre initiative en faveur du droit d’accès à l’information, repose donc sur ces fondations ambitieuses et d’apparence solides. Nous avons en effet constitué un annuaire de plus de 50 000 autorités publiques exportable sous la forme d’un fichier csv à partir de l’annuaire du site service-public.fr que nous avons enrichi avec le répertoire des PRADA, maintenu par la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA). Cet annuaire nous le mettons à jour collectivement, au fur et à mesure de vos demandes, lorsque nosu remarquons qu’une adresse ne réponds plus, lorsque vosu nous faites remarquer qu’une autorité est manquante, etc. Nous le mettons à jour aussi automatiquement que nous le pouvons, en allant régulièrement vérifier les changements sur l’annuaire des PRADA de la CADA qui est mis à jour de façon intempestive, non régulière, et sous un format non standard ayant de plus tendance à changer souvent d’une mise à jour à l’autre.

tour de pise opendata

Force est de constater que l’édifice de l’open data repose sur des fondations bien fragiles. Parmi celles-ci trois nous semblent entraver la mise en oeuvre d’un véritable droit d’accès à l’information en France :

  • l’absence de publication de la part des autorités des coordonnées de son PRADA, malgré l’obligation légale ;
  • la multiplication des formulaires de saisine par voie électronique ;
  • l’utilisation pour les réponses de serveurs de dépôt temporaire de documents (type WeTransfer).

Des PRADA absentes

Le fichier contenant la liste des PRADA disponible sur le site de la CADA ne contient que 1714 noms. C’est peu : 50% seulement des autorités publiques concernées (estimé à 3 450 autorités publiques) par cette obligation de désignation de PRADA.

Et l’exemplarité ne vient pas d’en haut de la pyramide administrative ! On note en effet l’absence de PRADA pour le ministère de la mer, pour celui de l’agriculture et de l’alimentation, pour le ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, et comble de l’ironie, pour le ministère de la Transformation et de la Fonction publiques, en charge ce dernier justement de l’action Gouvernement Ouvert. Dans la liste des 13 ministères disposant d’une PRADA, 2 sont des ministères délégués. Si on inclut ces ministères délégués on a seulement 13 ministères sur un total de 30 ministères ou ministères délégués qui ont répondu à leur obligation légale de nommer un PRADA. Soit 43% d’entre eux.

Dans le détail, voilà le nombre d’autorités publiques par typologie respectant l’obligation de nomination de PRADA :

  • 1006 communes sur les 1075 de plus de 10 000 habitants,
  • 95 départements sur 95,
  • 12 régions sur 13,
  • 79 établissements publics d’État sur 1000,
  • 651 établissements de coopération intercommunale sur les 1253 de plus de 10 000 habitants.

Sources :

S’agissant d’une obligation légale, c’est donc très préoccupant. D’autant plus qu’à la suite de la mise en oeuvre du réglement général de la protection des données personnelles (RGPD), les autorités publiques ont été beaucoup plus promptes à nommer un délégué à la protection des données (DPD) en leur sein. Les mauvaises langues souligneront là l’effet des potentielles sanctions financières associées au RGPD, malheureusement absentes des dispositions législatives régulant le droit d’accès à l’information en France.

Formulaire ou adresse email de contact ?

Afin de favoriser l’exercice du droit d’accès à l’information en France, la plateforme Ma Dada mise sur la publicité des échanges entre le public et l’administration à visée pédagogique.

C’est également le sens du CRPA qui stipule dans son article 311-9 que “L’accès aux documents administratifs s’exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l’administration (…) par publication des informations en ligne, à moins que les documents ne soient communicables qu’à l’intéressé en application de l’article L. 311-6.”. La publicité des échanges entre les autorités publiques et les demandeuses ou demandeurs participe donc de cette communication ouverte.

Chaque demande formulée via Ma Dada est publique, tout comme les réponses apportées par les autorités publiques saisies, rendant ainsi ces documents publiés immédiatement ouverts et accéssibles au public. Certaines autorités s’en sont émues mais la CADA s’est prononcée sur la légalité de cette publicité.

Nous nous heurtons de plus en plus fréquemment à la mise en oeuvre de formulaire de saisine par voie électronique par les autorités publiques.

La mise en place de ces formulaires s’appuie sur l’ordonnance n°2005-1516 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives statuant notamment que “lorsqu’elle a mis en place un téléservice dédié à l’accomplissement de certaines démarches administratives, une autorité administrative n’est régulièrement saisie par voie électronique que par l’usage de ce téléservice.”.

Bien que cette saisine soit assortie d’obligations de transmission d’accusé de réceptions de la part de l’administration, la réponse reste toute aussi aléatoire et la procédure de traitement notablement opaque pour les usagers, privés de la possibilité de suivre l’état d’avancement de leur demande ou d’effectuer des recours gracieux ou administratifs en l’absence de réponse. À contrario, la publication des demandes telle qu’effecué par Ma Dada, permet de faire des statistiques de réponses précises, et de voir si une telle autorité réponds ou non aux demandes d’accès aux documents administratifs et d’alerter en conséquence dans ce cas.

C’est aussi pour cette raison que nous avons mis récemment en place MaDadaViz : des statistiques datavisualisables de Ma Dada.

Opendata temporaire, opendata au compte-goutte

La dernière des difficultés est constituée par le manque de connaissance par les autorités publiques des dispositions de la Loi pour une république numérique dont les principales dispositions ont été intégrées au CRPA.

L’article 3111-9 stipule en effet que les administrations “sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande” “dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé”.

Malheureusement, les autorités pubiques recourent de plus en plus fréquemment à des services en ligne de dépôt de fichiers, tel que le très connu WeTransfer (échappant parfois à la réglementation française et au RGPD en particulier) dont l’accès est par nature temporaire et parfois assorti d’un mot de passe. Or, la loi stipule qu’un document rendu public à la demande d’un individu doit être mis à disposition de toutes et tous sans avoir à en faire à nouveau la demande. Sans parler de l’absence de format de fichiers ouverts, réutilisables et exploitables, le PDF (parfois en mode image) semblant être le seul format de fichier connu des autorités publiques ! Il est alors commique de voir le nombre de demandes se réitérer sur Ma Dada pour cause d’expiration de délai.

De plus, bien que nous réjouissions des plus de mille demandes effectuées via notre service en ligne, nous ne pouvons que nous inquiéter du faible nombre de celles ayant abouti à la transmission des documents ou données demandées : 30%.

Bien que d’autres facteurs puissent expliquer ce faible pourcentage, nous invitons les autorités publiques à faciliter l’exercice du droit à l’information en mettant en oeuvre les obligations réglementaires qui leur incombent afin de contribuer à l’amélioration des relations entre le public et les administrations et concourir à un dialogue fructueux pour l’excercice de la démocratie. Sans quoi, l’édifice pourrait s’effondrer.